Sujet Magazine n°4: Suite à sa condamnation par la CJUE (affaire Kanavape), la France a présenté un arrêté à la Commission européenne visant à réglementer l’usage des différentes parties du chanvre. Et la “Fleur“ de CBD y était clairement “persona non grata“, au grand dam de toute une profession. L’avis de la Commission, rendu le 12 novembre dernier, nuancé et pour le moins circonstancié, semble renvoyer le législateur français à revoir sa copie !? Allo, allo, Maître Ruben…
Quelques précisions sur la procédure de notification à la Commission, la communication de la Commission relative au projet d’arrêté du Gouvernement et les conclusions que l’on peut en tirer, ou pas
Qu’est-ce que la procédure de notification ?
Dans le cadre de la réécriture de l’arrêté du 22 août 1990, qui constituait, jusqu’à l’arrêt de la CJUE du 19 novembre 2020, le fondement des poursuites réalisées contre les vendeurs de CBD, le Gouvernement français a dû communiquer un projet à la Commission, conformément à une procédure de notification prévue par une directive européenne de 2015.
Cette procédure impose aux Etats d’informer la Commission de « tout projet de règle technique » avant son adoption, afin que la Commission et les autres Etats membres puissent examiner le projet pendant une période de trois mois, appelée « statu quo ».
Le but de cette procédure est notamment de vérifier, avant son adoption, la compatibilité d’une règle nationale avec la législation européenne.
La période de statu quo, qui interdit à l’Etat d’adopter la règle en question, permet à la Commission et les autres Etats membres de se positionner sur le texte.
La Commission peut ainsi :
- Soit émettre un avis circonstancié qui aura pour effet de prolonger la période de statu quo de trois mois supplémentaires et d’obliger l’État à expliquer les mesures qu’il entend prendre en réponse à l’avis circonstancié ;
- Soit formuler des observations si le projet semble conforme à la législation de l’Union européenne, mais qu’il nécessite cependant des éclaircissements quant à son interprétation; l’État membre concerné devra alors autant que possible tenir compte desdites observations.
À la fin de la procédure, les États membres doivent communiquer à la Commission les textes définitifs dès leur adoption, en ayant tenu compte de l’avis ou des observations.
Que dit la communication de la Commission relative au projet d’arrêté français ?
En l’occurrence, à l’issue de la période de statu quo, la Commission n’a pas émis un « avis circonstancié » sur le projet d’arrêté mais seulement formulé des « observations ».
Cela signifie que la Commission estime le projet français globalement en conformité avec le droit européen, à condition qu’elle prenne en considération les observations formulées, à savoir notamment :
- S’expliquer sur le taux de THC retenu de 0,2%, qui pourrait causer un problème de sécurité alimentaire et donc de santé publique si l’on en croit l’étude citée de l’EFSA (agence européenne indépendante chargée de la sécurité alimentaire) ;
- Préciser le raisonnement qui la conduit à vouloir interdire la vente, la détention et la consommation « de fleurs ou de feuilles brutes de la plante de chanvre sous toutes ses formes», en ce sens que cette formulation très générale pourrait conduire à interdire des substances non stupéfiantes, en contradiction avec la libre-circulation des marchandises.
Soit des questions centrales pour les vendeurs et consommateurs de CBD…
Quelles conclusions tirer (ou ne pas tirer) ?
Seule certitude, la France va devoir modifier son projet d’arrêté pour prendre en considération les observations de la Commission – à moins de s’y opposer frontalement, ce qui semble peu probable.
Elle devra donc, en l’occurrence, préciser la pertinence du taux de THC retenu de 0,2% dans le produit fini, ainsi que la nature précise des produits auxquels sera censée s’appliquer l’interdiction de vente, de détention et de consommation.
Quelles conclusions en tirer ? Pour le moment, malheureusement, aucune.
Si la France doit remodeler son projet d’arrêté et le communiquer à la Commission avant qu’il ne soit publié, il n’est en effet pas possible de savoir, à ce stade, la tournure qu’il prendra.
Dans l’état actuel des choses, ce sont donc les décisions de la CJUE et de la Cour de cassation qui s’appliquent et qui, de facto, n’interdisent pas la vente et la consommation de fleurs de CBD.
Mais ces décisions sont par natures précaires, elles invitent justement le législateur à publier un nouveau texte !
Il faut cependant préciser que même dans la pire des hypothèses, à savoir celle du maintien de l’interdiction totale de la vente de fleurs de CBD dans le nouvel arrêté, la procédure de notification à la Commission n’interdira pas d’en contester la légalité.
Il sera ainsi toujours possible, comme dans l’arrêt Kanavape, de saisir la CJUE d’une nouvelle question préjudicielle, et de faire ainsi déclarer le texte contraire au principe de libre-circulation des marchandises.
Le bras de fer continue, l’insécurité demeure…
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