Ludovic Mendes, Député LaREM membre de la Mission interministérielle sur le cannabis et rapporteur de la commission sur la partie “bien-être“, nous fait une fleur en répondant à nos questions. La situation du CBD en France, c’est sans doute lui qui en parle le mieux…
Quelle est la raison, ou le constat, qui a conduit à la création de cette Mission d’Information sur le cannabis ?
La raison qui nous a amené à lancer cette mission d’information sur le cannabis, ce sont tous les débats sociétaux autour du cannabis. Cela nous a permis de nous rendre compte que beaucoup de monde était dans le cliché. Comme par exemple, à l’été 2018, lorsque l’ancienne ministre de la Santé, Madame Buzyn, a demandé la fermeture des boutiques de CBD en prétextant que cette substance était équivalente à une drogue. Cela nous a obligé à informer et démontrer qu’il y avait plusieurs usages du cannabis.
En même temps, si nous avons pu avancer sur le sujet c’est aussi grâce à l’amendement d’Olivier Véran, alors député, sur le cannabis thérapeutique et son expérimentation, qui a été votée à l’Assemblée nationale en 2019. Voilà les deux grands sujets et l’importance pour nous de démontrer qu’aujourd’hui, il pouvait y avoir un débat sur le cannabis.
L’arrêté du 22 février 1990 qui encadre le cannabis et ses usages semble à bout de souffle. Comment, selon vous, la loi devrait évoluer et avec quelles priorités ?
Il est certain que l’arrêté de février 90 est à bout de souffle. L’arrêt « Kanavape », rendu par la cour de justice de l’Union européenne au mois de décembre 2020, démontre que la France est hors du cadre du règlement européen sur la libre circulation des biens et des marchandises. Donc oui, il faut absolument le revoir. D’ailleurs dans le rapport que nous avons rendu sur le cannabis bien-être, dit CBD, nous expliquons qu’il faut modifier les règles afin de permettre l’utilisation de la fleur sur le marché français.
Ce qui entraînera la possibilité de vendre et faire des expérimentations avec des plantes qui vont jusqu’à 1 ou 2 % de THC, pour analyser l’impact sur les plantations et sur le taux de CBD qui pourrait en résulter. Sachant qu’aujourd’hui avec un taux de 0,2 % de THC dans la plante, le taux de CBD est parfois très faible. Il est donc gonflé de manière artificielle, ce qui est bien dommage.
Si nous avons pu avancer sur le sujet, c’est grâce à l’amendement d’Olivier Véran
Dans la liste des Propositions de votre rapport d’étape “Bien-être“, je n’ai pas vu, en tout cas pas de façon explicite, une préconisation tendant à autoriser “l’Extraction“ pour les producteurs de chanvre français. Un oubli ou bien est-ce induit implicitement dans la proposition N° 1-1 ?
Ce n’est pas inscrit explicitement mais on l’évoque tout au long du rapport. On parle bien d’extraction pour les producteurs de chanvre français pour que la fleur soit exploitée par le marché français afin de créer une véritable filière à la française. Nous avons actuellement un marché européen sur la production, la transformation et la livraison. Alors qu’une grande partie de ces produits reviennent en France, nous avons des entreprises françaises qui se sont exportées.
L’exemple du Portugal, qui tend à considérer les toxicomanes comme des malades et non des criminels, est-il un exemple qui vous inspire ? Y-en-a-t’il d’autres, dans d’autres pays, et pour quelles raisons ?
Concernant l’exemple du Portugal, sur le fait qu’il tend à considérer les toxicomanes comme des malades, je partage à 100% le point de vue.
À titre personnel, je pense que l’on n’utilise pas de psychotropes sans qu’il n’y ait un malaise permanent. Cela peut être exceptionnel pour des personnes qui en ont besoin dans un cadre festif, mais une personne qui consomme de façon quotidienne, que ce soit des psychotropes en lien avec des drogues dures, du cannabis ou alors avec de l’alcool, démontre qu’il y a un malaise profond et qu’il y a une prise en charge en tant que malade à organiser. D’ailleurs, les alcooliques sont considérés comme des malades à part entière, en revanche les consommateurs de drogues, non. On les considère plutôt comme des personnes qui sont complices du système, complices des bandes et du trafic, alors que ce n’est pas du tout le cas. Ils sont, pour la plupart, victimes de la mauvaise qualité des produits qu’ils consomment, qui sont trafiqués et mélangés, sans pouvoir en être informés lors de l’achat.
Aujourd’hui, il faut prendre exemple sur différents pays, je pense que le Luxembourg, qui est en train de revoir sa législation sur le sujet, est un exemple à suivre. Il y a des exemples complémentaires avec les Pays-Bas, le Canada, les États-Unis ou même l’Uruguay. On peut prendre en considération tout ce qu’ils ont fait, voir aussi quelles ont été leurs échecs, pour inventer un système à la française. On ne pourra pas copier un système, par contre, on peut le penser et l’adapter comme on a pu le faire avec le tabac, comme on peut le faire avec l’alcool ou les jeux d’argent.
On saura construire un système français qui permet d’avoir une forme de liberté, tout en pouvant réguler et encadrer le marché.
« Je pense que le Luxembourg est un exemple à suivre »
Le flou juridique actuel pénalise le secteur “bien-être“, notamment les nombreuses boutiques et sites internet qui ne savent plus trop ce qui est légal et ce qui ne l’est pas, spécialement concernant les “fleurs“. Votre avis sur le sujet ?…
Nous sommes conduits à agir rapidement, concernant le cadre légal du CBD. Le cadre actuel est vraiment flou et il pose de véritables questions, de véritables problèmes sur ce qui est autorisé à la production et à la transformation, et ce qui ne l’est pas.
En sus, nous avons une autre problématique, qui est celle de la santé publique ; étant donné que certains produits, qui sont importés vers l’Union européenne, ne sont pas encadrés de la même façon.
Parfois, il manque même des indications importantes sur les boîtes de ces produits qui sont vendus sur notre territoire. Si nous voulons faire de la prévention et de l’accompagnement, il faut absolument structurer cette filière et faire en sorte qu’elle puisse faire son travail correctement. D’autant plus que ce n’est pas une filière sur de la drogue, nous sommes sur un produit de bien-être qui a énormément de dérivés qui sont consommés à ce jour.
Pensez-vous que la légalisation du cannabis sera parmi les enjeux électoraux pour la campagne présidentielle de 2022 ? Et qui pourrait s’en emparer ?
Je pense que la légalisation du cannabis sera un enjeu électoral pendant la présidentielle de 2022. Il le sera de différentes façons, il le sera pour certains sur la légalisation et pour d’autres sur le renforcement de la lutte contre les drogues. Mais je ne sais pas où le président de la République se situera.
À titre personnel, je pense que c’est un enjeu sociétal qui doit avoir lieu sous forme de débats citoyens, avec la possibilité d’interventions d’experts, afin de rassurer, d’informer et d’expliquer. Cela permettra, peut-être, d’en tirer un référendum afin de pouvoir modifier la loi et d’encadrer une légalisation à la française.
« Certaines drogues font beaucoup moins de mal que l’alcool, c’est le cas du cannabis »
En 2017, Emmanuel Macron semblait évoquer une possible légalisation lors de sa campagne, aujourd’hui il clôt définitivement le débat, alors que, justement, celui-ci évolue. Comment expliquez-vous cette prise de position à contre-courant de l’opinion ?
Je ne peux pas expliquer la décision du Président d’aller à contre-courant, il a rapidement évoqué la possibilité, ou pas, de dépénaliser, mais pas vraiment de légaliser et d’encadrer la vente de cannabis. C’est un débat qui est très complexe, nous n’avons pas vraiment dépénalisé, parce que c’est une amende forfaitaire qui va durer 10 ans dans un fichier automatique donc on est sur du pénal avec un risque de passer devant le juge. Je n’ai pas souvenir, durant la campagne que nous avons vécue en 2017, que le Président se soit placé en faveur de la dépénalisation.
À titre personnel, je pense qu’il faut que nous puissions informer correctement. Nous ne serions pas en désaccord en disant qu’il faut taper sur les trafiquants, se battre contre l’utilisation de la drogue. Mais il ne faut pas seulement le faire sur de la répression mais aussi sur de la prévention. Il faut savoir dissocier les drogues et reconnaître qu’il y a des drogues qui font beaucoup moins de mal aujourd’hui que l’alcool. C’est le cas du cannabis
Pensez-vous qu’un revirement de situation est possible de la part du Président, échéances électorales oblige, et histoire de couper l’herbe sous le pied à certains de ses opposants ?
Je ne suis pas certain que le Président de la République ait envie de couper l’herbe sous le pied de ses opposants concernant le sujet du cannabis. Je ne pense pas non plus qu’il prendra une décision allant dans le sens, ou non, d’une légalisation ou d’une dépénalisation d’ici à la prochaine présidentielle. Cependant, il a annoncé vouloir organiser un débat sur les risques des drogues et je pense que c’est la meilleure chose que nous pouvons faire aujourd’hui afin de démontrer les bénéfices et les risques de la consommation du cannabis en France.
À l’Assemblée nationale, un peu plus de 50% des députés (54% de mémoire) sont opposés à la légalisation du cannabis. Pensez-vous que les conclusions de votre travail avec la Mission d’information puisse faire basculer l’opinion dans l’autre sens ?
Concernant les conclusions du travail de la mission d’information, l’idée n’est pas de faire basculer l’opinion mais d’accompagner nos collègues à la réflexion sur le sujet. De plus, ils devront se positionner, car il faudra voter ce rapport dans les 6 commissions permanentes sur les 8 que compte l’Assemblée nationale ; c’est quelque chose d’historique, de jamais vu au Palais Bourbon. Nos collègues vont donc voter les rapports qui contiennent des préconisations, et d’autres non. Ils ne s’engageront pas formellement sur la voie de la légalisation du cannabis mais ils devront au moins donner leur avis sur l’état du rapport que nous avons présenté.
« Le CBD m’a apporté des réponses à des problématiques de sommeil et de petites douleurs que j’avais »
Au sein de La REM, dont vous faites partie, à combien estimez-vous le pourcentage de députés, pro et anti-légalisation ?
Je suis incapable d’estimer le pourcentage de députés qui sont pour la légalisation, car c’est une idée, une opinion propre à chacun. Ce que je peux dire c’est que la grande majorité est plein de doutes, ne sait pas se positionner, a besoin d’être informée et accompagnée sur la démarche afin de de connaître les bénéfices et risques d’une possible légalisation du cannabis.
Avez-vous déjà pris un produit à base de CBD, en tout cas essayé ? Si oui lequel ?… Pour quelles raisons ? Et qu’avez-vous retiré de cette expérience ?
Oui, j’ai déjà consommé un produit à base de CBD. Une huile sublinguale, une crème pour les mains et ce que l’on peut appeler une vaporette. Les raisons ? La première fois pour essayer afin de comprendre ce qu’était le produit. La deuxième fois parce que la crème m’avait été conseillée par un ami, dans un cadre médical, et en effet ça avait plutôt bien fonctionné.
Aujourd’hui, pour ma part, j’en conclus que c’est un produit qui ne m’a fait aucunement du mal, bien au contraire, il m’a apporté des réponses à des petites problématiques de sommeil et de petites douleurs que j’avais.
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