Inspirée, engagée, audacieuse, raffinée, brillante, même militante, et bien plus encore, la gamme de cosmétique Ho Karan est à l’image de sa créatrice, Laure Bouguen. Alors qui mieux qu’elle pour nous en parler !?
Tu es une pionnière en France, en tout cas une des premières à avoir misé sur les vertus du chanvre. Racontes…
Je suis loin d’être la première parce que Christophe Latouche par exemple, avec qui j’ai commencé à travailler dès 2015, lui, travaillait déjà depuis 20 ans dans le chanvre. C’est vrai qu’on a fait partie des pionniers sur le CBD, mais parce qu’on était déjà dans la filière. Les premières versions Ho Karan en 2015 ne contenaient pas de cannabinoïdes, seulement de l’huile essentielle et de l’huile de chanvre. Mais comme j’étais très en amont sur le sujet, j’ai vu les cannabinoïdes arriver et je me suis très vite rapproché d’Antonin Cohen. Nous sommes devenus amis et avons lancé ensemble la première version du Syndicat professionnel du chanvre, parce que Interchanvre nous avait demandé de venir leur présenter le CBD lors d’une AG. On s’est rendu compte qu’ils étaient à 1000 lieues de vouloir défendre le sujet et que, du coup, il y avait quelque chose à faire dans le domaine.
Ton parcours a sans doute été semé d’embûches. Veux-tu nous en parler, dans les grandes lignes ?…
Semé d’embûches, oui (rire), c’est le moins que l’on puisse dire. La plus grosse complexité c’est quand même le financement d’une entreprise. Surtout quand on est jeune. Moi j’étais étudiante, 23 ans, pas d’argent, pas de track record, zéro légitimité, pas de love money (argent des proches)… Pour financer le projet j’ai donc du faire une succession d’emprunts ; emprunt étudiant, prêt d’honneur, prêt bancaire… Je me suis retrouvée avec une espèce de pyramide de Ponzi, à rembourser de la dette avec de la dette. Cela a été le vrai problème,au début, mais je n’avais pas de problème réglementaire étant donné qu’on ne faisait pas de cannabinoïdes. Puis en 2017, quand on s’est lancé sur le sujet, plus cannabis que chanvre pur, là on s’est fait fermer Facebook ad, Instagram ad, nos campagnes Indiegogo, etc. C’est là où j’ai compris que j’avais un combat à mener et c’est aussi ce qui m’a motivé en fait. Parce que c’est excitant de se dire qu’on sert à quelque chose et qu’on peut faire bouger les lignes. La boîte a toujours été sous financé, et c’est très frustrant parce qu’on vous demande d’aller soulever des montagnes, de créer un marché et puis on a jamais vraiment les moyens de le faire. C’est un peu ce qu’on a vécu avec Ho Karan durant ces six dernières années.
Quelles sont les vertus, et les effets, des cosmétiques Ho Karan ?
Il y a de l’huile de chanvre dans pratiquement tous nos produits, mais pas que. On utilise aussi les terpènes, le CBD en broad spectrum, donc on a aussi du cannabidiol mais aussi du CBG du CBC… Concernant les vertus des produits, on travaille sur le stress, comment est-ce qu’on peut réduire les manifestations du stress sur la peau, sur le corps, sur l’esprit. C’est la ligne de conduite de tous nos produits. Ensuite on a créé des gammes en fonction de bénéfices plus précis. Par exemple, la gamme Détox qui lutte contre les inflammations, les rougeurs, la gamme Régénération va aider à favoriser le renouvellement cellulaire, la gamme Energie à redonner de l’éclat à la peau et on a également la gamme Hydratation qui vient nourrir la peau en profondeur.
Dans ta gamme, de quel produit, quelle formulation en particulier, es-tu la plus fière ?
Je dirais l’Antidote, notre huile de CBD. On avait lancé une première version en 2018 qui s’appelait Holy Flow. Et puis on l’a reformulée en 2020 pour en faire un produit In and Out, donc qu’on applique sur la peau et qu’on ingère. Je suis assez fière de cette formule car nous avons été les premiers à démontrer la multifonction du produit, ici en mode topique et par absorption. J’aime beaucoup l’Huile Libertine aussi qu’on a lancé récemment, parce que cela permet également d’aborder un autre combat, celui du plaisir féminin, même si c’est évidemment un produit mix. L’idée était de remettre un tant soit peu, une relation qui serait non phallocentrée au cœur des débats. En tout cas soulever une question qui me tenait à cœur.
J’ai cru voir dans ton catalogue un « Kit libertin » doté d’une sacrée coquetterie, « Coucou Suzette » ! C’est quoi l’idée, l’histoire de ce produit, pas anodin ?
Ce kit libertin, qu’on a sorti pour la St Valentin, comprenait l’Huile libertine, une trousse en fourrure de chanvre confectionnée en partenariat avec un petit artisan des Vosges et un pin’s clitoris chez Coucou Suzette. Pourquoi ce pin’s de Coucou Suzette ? D’abord parce que j’aime bien ce qu’elle fait et puis elle avait un « pin’s zizi » mais pas de version pin’s clitoris. On ne connait pas ce dont ne parle pas et qu’on ne montre pas et le clitoris n’est dans quasiment aucun manuel scolaire, alors qu’il est partie intégrante du plaisir féminin. Cette négation du plaisir de la femme a tendance à m’agacer. Je n’ai pas le temps d’éduquer tous les garçons que je côtoie, alors autant faire d’une pierre deux coups et je me suis dit que le mieux c’était d’en parler avec Ho Karan. J’ai envie de parler de santé et de soins de la femme, et la sexualité fait partie du soin.
Parles-nous de tes Cannatours où tu jouais, avec un indéniable talent, à Miss Cannabis ?
A l’époque j’ai eu l’opportunité de pas mal voyager, notamment grâce à Cannabis Europa et j’ai bénéficié de l’Accelerate program de Sephora qui m’avait envoyé aux Etats Unis. Cela m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses, notamment l’absence totale de libération de parole sur le cannabis en France. En 2018, j’ai donc décidé de partager cette expérience et j’ai lancé ce programme. J’ai pu rencontrer Raphael Mechoulam dans son petit labo de Jérusalem, j’ai découvert la cuisine au cannabis, j’ai vu des choses improbables, rencontré des gens incroyables, notamment en Californie. J’avoue que je me suis bien amusé à faire et monter ces vidéos où l’on découvrait que le petit monde du cannabis c’était bien plus que l’aspect récréatif. Mais sur les réseaux sociaux c’est compliqué, Youtube n’appréciait pas ce type de vidéos et cela a été compliqué de les diffuser et de faire des vues. D’autant que nous n’avons pas eu de relais des médias car c’était créé par une marque, donc pas assez désintéressé. On a finalement été obligé d’arrêter, pour se reconcentrer sur notre cœur de métier.
Comment vois-tu l’évolution du marché du CBD en France ?
Lente, très lente même avec cette réglementation qui n’en finit pas d’arriver. Honnêtement, le lobbying avec le syndicat du chanvre m’a pas mal dégoûté de la politique, des politiciens, de cette vision très carriériste qu’ils ont, des décisions prises où tu sens que l’intérêt commun n’est absolument pas prioritaire. Du coup, on a eu beaucoup de mal à trouver des politiciens qui s’engagent sincèrement dans la cause. Alors bien sûr, il y en a, il y en a eu, je penses à Éric Correia, Jean-Baptiste Moreau et d’autres. Mais bon, l’évolution du CBD aurait pu être beaucoup plus rapide, plus efficace, plus orientée aussi vers les consommateurs et vers les agriculteurs, vers la défense de leurs intérêts et de leur santé. Tout ce qu’on a au final, c’est une espèce de réglementation en demi-teinte où, au lieu de tout réglementer une bonne fois pour toute, on découpe la plante en plein de parties, plein de secteurs avec des spécificités qui sont souvent absurdes.
Tu es une vraie militante, avec une politique engagée. C’est une voie qui te tente ?
Non, je ne ferais jamais de politique au sens propre, pour les raisons que je viens d’évoquer. Mais gérer une marque comme Ho Karan, c’est politique. C’est un combat, une posture qu’on a sur le monde, c’est un regard sur la société dans laquelle on a envie de vivre. Donc j’estime qu’avec Ho Karan je fais de la politique. Je continuerai à défendre des idées et j’en ai plein d’autres que j’ai envie de porter.
Des nouveautés chez Ho Karan, des projets à venir ?
Oui, l’ouverture d’une boutique à Paris. Cela devait être pour 2021 mais on a évidemment décalé avec le Covid, c’est repoussé à 2022. C’est un travail de fond, un très gros investissement aussi, donc ça demande d’être bien réfléchi et c’est le gros projet sur lequel je bosse en ce moment. En parallèle, on a lancé l’export et on travaille sur plusieurs pistes pour développer notre distribution. Et puis développer le podcast, la création de contenu, créer une marque forte.
Quels conseils donnerais-tu à un.e jeune entrepreneur.e qui voudrait tenter l’aventure CBD ?
L’idée principale est vraiment de ne pas croire qu’il suffit de créer une marque de CBD. Parce que c »est très faible en fait, c’est juste un ingrédient. Personne ne dit, je vais lancer une marque à la noix coco, je vais lancer une marque au magnésium… Ca ne suffit pas. Ca, tout le monde peut le faire.Il faut construire quelque chose de plus profond, établir une philosophie, un état d’esprit, un combat, une véritable identité. De mon expérience personnelle, c’est le conseil que je donnerais.
« Réduire le stress, c’est la ligne de conduite Ho Karan»
« Cette négation du plaisir féminin a tendance à m’agacer »
« Aujourd’hui, on a une règlementation en demi-teinte »
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