Dépisté positif aux stupéfiants alors que l’on a consommé du CBD, le cas est de moins en moins rare et cela coûte cher au contrevenant. Un phénomène exponentiel qui a fait une entrée remarquée dans les tribunaux français, un domaine dans lequel s’est spécialisé le cabinet de Maître Laureen Spira.
Traitez-vous beaucoup de cas de consommateurs de CBD traduits en justice après avoir été testés positifs aux stupéfiants ?
Le Cabinet est spécialisé dans le contentieux du permis à points et des délits routiers. Aujourd’hui, le délit de conduite après avoir fait usage de produits stupéfiants représente une part importante de notre activité. Sur ces dernières années et dans ce cas précis, les appels de conducteurs verbalisés sont de plus en plus nombreux. Et leur discours sont extrêmement similaires, tous se sentent victime d’une injustice et d’un défaut d’information.
Que conseilleriez-vous aux conducteurs concernés ?
Il faut préserver ses droits et mettre en place sa défense sans attendre. Pour cela, je conseille de signaler immédiatement et ce, dès l’interpellation, qu’il s’agit d’une consommation exclusive de CBD. Il est important que cela soit acté par écrit dans la procédure. Il faut également conserver les factures et le sachet de CBD acheté. Une contre-analyse sera proposée au conducteur, il faut absolument demander de s’en réserver le droit. Une analyse spécifique visant à la recherche du CBD est possible même si elle est bien trop peu pratiquée pour l’instant. Enfin, si aucune prise de sang n’a été réalisée lors de l’interpellation, il est également conseillé de faire une analyse de son côté auprès d’un laboratoire et cela au plus tôt. Lorsque je défends les conducteurs ayant consommé du CBD, ou plus largement des produits stupéfiants, je préfère intervenir avant même l’audition de notification des résultats.
Que risque aujourd’hui un consommateur de CBD testé positif par l’administration et quels sont ses recours ?
Le conducteur sera poursuivi pour des faits de conduite après avoir fait usage de stupéfiants, délits prévus par l’article L.235-1 du Code de la Route. J’invite vos lecteurs à se référer à ce texte pour connaitre les peines maximales encourues. Les décisions rendues sont naturellement en deçà. En pratique, si la personne est primo-délinquante, elle aura une suspension de permis avoisinant 6 mois, une amende moyenne de 500 euros, une perte de 6 points sur son titre de conduite ainsi qu’une mention sur son casier judiciaire. Objectivement, il est extrêmement compliqué pour un conducteur dépisté positivement de se défendre efficacement sans l’aide et les conseils d’un avocat face aux mécanismes judiciaires déclenchés suite à son interpellation.
« Lors d’un contrôle, il faut absolument se réserver
le droit de demander une contre-analyse »
Comment se fait-il qu’un produit reconnu comme « non stupéfiant » par l’OMS comme par la CJUE, et donc par la justice française, se révèle positif en cas de contrôle avec tous les préjudices qui en découlent ?
Là est toute la problématique. Si un produit non classé dans la liste des produits stupéfiants entraine un dépistage positif, il y a deux explications possibles. Soit le produit ne répond pas aux normes, ce qui signifie que le taux de THC dépasse la concentration autorisée, soit les tests ont un seuil de détection trop faible.
À partir de quel pourcentage de THC le dépistage s’avère-t-il positif ?
Le dépistage s’avère positif dès que le seuil de détection de 15 ng/ml de salive est atteint. Certains kits utilisés à l’heure actuelle par les forces de l’ordre peuvent même révéler une positivité dès 5 ng/ml de salive, soit sous le seuil légal fixé par le législateur. Dans tous les cas, cette présence de THC ne correspond pas à une quantité quantifiable en terme de pourcentage et l’échantillon transmis au laboratoire n’indique pas la quantité de salive prélevée. Dans de nombreux cas le dépistage s’avère positif, malgré une simple consommation de CBD, notamment lorsque cette consommation est intervenue peu de temps avant le contrôle.
A priori, ces dépistages « positifs » concernent-ils seulement les fumeurs de CBD (la combustion), ou bien plus généralement les consommateurs d’huiles, de tisanes, bonbons ou autres produits dérivés à base de CBD ?
Ces dépistages positifs concernent principalement les usagers qui ont eu une consommation récente et suffisamment importante pour que du THC soit détecté. D’après les retours que nous avons, il s’agit majoritairement d’une consommation par des fumeurs de CBD, bien qu’une consommation importante par un autre biais ne soit pas à exclure.
« … 6 mois de suspension de permis et une perte de 6 points,
500€ d’amende en moyenne et une mention sur le casier… »
Il semble que les tests appropriés existent, comme en Suisse par exemple. Alors pourquoi ne pas les appliquer, les adapter à notre législation ?
Il est évident que le système n’est plus adapté depuis la légalisation du CBD. Il convient soit de mettre en circulation des tests adaptés à la détection de CBD, soit de permettre aux conducteurs dépistés positivement, de pouvoir demander une analyse spécifique mettant en exergue la consommation de CBD. Soyons réaliste, fournir à tous les services de police de nouveaux tests pour la détection du CBD entraînerait un coût financier substantiel pour l’état, dont je doute de la motivation.
Pensez-vous, devant l’inexorable avancée du CBD vers une certaine légalité, que le gouvernement ait décidé, là aussi, « d’emmerder les Français » ?
La politique aujourd’hui tourne autour de deux axes principaux parallèlement à l’objectif de sécurité routière : faire gagner du temps aux unités de police et de gendarmerie et faire économiser de l’argent à l’état. Cela a déjà largement été préjudiciable aux justiciables depuis l’instauration des tests salivaires à la place des analyses sanguines. Depuis lors, nous n’avons plus de taux en procédure ! Ce qui signifie que le juge ne peut plus distinguer par le biais des résultats, le consommateur occasionnel du fumeur compulsif. Par contre, les forces de l’ordre économisent du temps en évitant de se déplacer à l’hôpital. Ils économisent également du temps, au préjudice des personnes mises en cause en les décourageant de solliciter une contre-analyse. La défense des personnes mises en cause passe nécessairement par la pleine compréhension de leurs droits et des recours dont ils disposent.
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