Les acteurs français du CBD attendaient deux jugements de la Cour de Cassation en juin dernier (15 et 23) qui, pour l’essentiel, se sont révélés en leur faveur. Néanmoins, la position du gouvernement reste inchangée, le statut légal des « fleurs » est on ne peut plus flou… Entre mauvaises interprétations et réjouissances prématurées, un décryptage juridique s’imposait…

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Le 23 juin 2021, la Cour de cassation a rendu une décision très attendue sur la commercialisation du CBD en France (arrêt n°810 du 23 juin 2021, 20-84212).
L’AFFAIRE EN BREF
Le gérant d’un commerce vendant notamment des « sommités fleuries de cannabis » a été poursuivi du chef d’infractions à la législation sur les produits stupéfiants.
Relaxé le 3 juin 2019, il a ensuite été condamné le 22 juin 2020 par la cour d’appel de Grenoble du chef de complicité de détention, offre ou cession et acquisition non autorisée de produits stupéfiants, sur le fondement de l’article R.5132-86 du code de la santé publique et de l’arrêté du 22 août 1990.
Un pourvoi en cassation a été formé par le prévenu à la suite de cette condamnation.
LA DECISION DE LA COUR DE CASSATION :
Par référence à l’arrêt de la CJUE du 19 novembre 2020, la Cour considère que les articles 34 et 36 du TFUE « s’opposent à une réglementation nationale interdisant la commercialisation du CBD légalement produit dans un autre Etat membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, à moins que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de protection de la santé publique et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint ».
La Cour casse ainsi l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, qui avait retenu que « les produits saisis et analysés étaient constitués de sommités fleuries de cannabis contenant du THC à l’état de traces », « sans rechercher […] si les substances saisies n’avaient pas été légalement produites dans un autre Etat membre de l’UE ».
ANALYSE
Le principe :
La Cour de cassation emboîte le pas de la CJUE qui s’oppose à une réglementation étatique qui limiterait la libre-circulation de marchandises légalement produites en UE.
Le principe dégagé est donc qu’un produit à base de CBD légalement produit dans un pays membre de l’Union Européenne peut être librement importé et vendu en France.
On pourra donc assister un temps à une situation absurde, qui verra un produit identique être autorisé en France s’il a été produit en UE, et interdit s’il a été produit hors UE…
L’exception :
La Cour relève, dans le cas d’espèce, que seules des « traces » de THC étaient présentes dans les produits saisis.
Il s’agit là d’une référence implicite à l’objectif de protection de la santé publique rappelé par la CJUE.
En effet, la seule possibilité pour un État membre de limiter l’importation de marchandises sur son sol – et donc de faire exception au principe de libre-circulation, est de prouver que ces marchandises sont nocives pour la santé, et qu’elles contreviennent donc à la protection de la santé publique.
En l’occurrence, de simples « traces » de THC dans les produits incriminés ne peuvent suffire à considérer ces produits nocifs.
DES QUESTIONS ENCORE EN SUSPENS
– La question du taux de THC dans les produits mis en vente
La Cour de cassation reste muette sur cette question pourtant prépondérante.
En effet, à compter d’une certaine teneur en THC, le produit aura nécessairement des effets psychotropes.
Ce sont ces effets psychotropes qui le catégoriseront comme produit néfaste pour la santé et l’assimileront à un produit stupéfiant.
Or, aucun consensus n’existe en Union Européenne sur le taux de THC admis dans les produits CBD.
Le taux de 0,2% retenu en France est arbitraire, tout comme celui de 0,3% retenu dans d’autres pays européens.
Pour se faire une idée, la résine et l’herbe de cannabis auraient aujourd’hui des taux de THC variant entre 10 et 20, voire 30% (avant les années 2000, ces taux variaient en général de 4 à 8%).
Le seuil retenu devra s’appuyer sur des considérations scientifiques objectives, afin de ne pas aller « au-delà de ce qui est nécessaire » pour atteindre la réalisation de l’objectif de protection de la santé publique.
– La question des fleurs de CBD
Dans cet arrêt à la formulation très générale, la Cour de cassation n’opère aucune distinction entre fleurs de CBD et produits à base de CBD.
En s’en tenant à sa lettre, les fleurs de CBD devraient donc être soumises au même régime : légalement produites dans un pays européen, leur importation et leur vente devraient être légales en France.
Cette solution ne semble pourtant pas celle envisagée par le Gouvernement…
PERSPECTIVES :
En effet, le 21 juillet 2021, la MILDECA a publié sur son site une note relative au projet du Gouvernement de refonte de l’arrêté du 22 août 1990.
Cet arrêté a été notifié le 20 juillet 2021 à la Commission Européenne, qui dispose de 3 à 6 mois pour émettre un avis.
Cet arrêté prévoit notamment :
– L’extension sous certaines conditions, à toutes les parties de la plante de chanvre, de l’autorisation de culture, d’importation, d’exportation et d’utilisation industrielle et commerciale ;
– Que la plante de chanvre utilisée devra avoir une teneur en THC qui n’est pas supérieure à 0,2% ;
– Que la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, ainsi que leur détention et leur consommation seront INTERDITES.
Cette interdiction est motivée par des motifs :
– D’ordre public : permettre aux policiers de discriminer simplement les produits pour déterminer s’ils relèvent ou non de la législation sur les produits stupéfiants ;
– De santé publique : fumer du CBD implique la combustion de produits organiques néfastes pour la santé.
Reste à savoir si ce projet d’arrêté séduira la Commission Européenne…
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